Tu peux avoir le meilleur four du monde, la meilleure sauce tomate, et même une mozzarella de bufflonne certifiée… Si ta pâte est ratée, ta pizza l’est aussi. Et devine quoi : la pâte, elle commence avec la farine.Et là, on entre dans un monde un peu bordélique. T00, T55, T65, force boulangère, gluten, blutage, protéines… on lit tout et son contraire. Pourtant, quand on comprend bien ce qu’on a entre les mains, on fait un bond énorme dans sa pratique. Alors aujourd’hui, je te parle d’un ingrédient qu’on croit connaître… mais qu’on a rarement exploré à fond.
Farine T00, T45, T65 : comprendre les types
Commençons simple : en France, la lettre “T” correspond au taux de cendre, autrement dit, à la quantité de matière minérale résiduelle après combustion. Plus le chiffre est bas, plus la farine est blanche, raffinée, pauvre en fibres.
- T45/T55 : très blanche, faible en goût, souvent pour pâtisserie ou pizza très légère.
- T65/T80 : semi-complète, plus typée, plus nutritive. Bonne base pour une pâte avec du caractère.
- T00 (italienne) : l’équivalent ultra-blanc italien. Très utilisée en pizza napolitaine.
- Farine intégrale / T150 : à oublier pour la pizza classique, sauf si tu vis une crise existentielle.
👉 Mais attention : ces chiffres ne disent rien de la force boulangère ni du comportement en fermentation. Et c’est là que ça devient intéressant…
La force (W), cette donnée cruciale ignorée des paquets français
En Italie, les farines sont souvent classées par “force boulangère”, notée W.
- W < 180 : farine faible, pour pâte rapide (ex. focaccia express, pâte à tarte)
- W 200–260 : fermentation courte à moyenne (8–12h), idéal pizza domestique
- W 280–320 : fermentation longue (24–72h), pâte napolitaine ou contemporaine
- W > 350 : Manitoba, très forte en gluten, pour protocoles extrêmes, mélanges ou panettone
💡 Problème : en France, cette info n’est quasiment jamais indiquée. D’où l’intérêt de se tourner vers des marques italiennes (Caputo, Molino Spadoni, Petra…) ou des meuniers artisanaux qui bossent en transparence.
Italienne, bio, locale : d’où vient ta farine ? Et pourquoi ça compte
On idéalise souvent la farine italienne, et à raison parfois. Les moulins comme Caputo, Mulino Marino ou Petra travaillent avec précision, traçabilité, et une culture de la pizza ancrée. Mais ce n’est pas la seule voie.
👉 Une bonne farine artisanale française peut rivaliser haut la main, surtout si tu vises une pâte rustique, digeste, avec du goût. Le secret ? Une mouture lente, un blé de qualité, et des protéines bien calibrées.
Et puis, faire venir sa farine de Naples quand on habite dans l’Hérault… bon.
La vérité sur la farine Manitoba
La “Manitoba”, c’est un peu le Graal des apprentis pizzaïolos. Une farine très forte (W > 350), souvent utilisée en mélange pour structurer une pâte très hydratée ou fermentée longtemps.
Mais soyons clairs : la Manitoba ne fait pas tout. Mal utilisée, elle te donne une pâte caoutchouteuse, indigeste, ou qui manque de finesse. À réserver aux passionnés qui savent ce qu’ils cherchent (et surtout pourquoi).
Comment choisir (vraiment) sa farine ?
- Débutant·e ? Prends une T65 de bonne qualité, ou une italienne W240–280.
- Tu maîtrises les fermentations longues ? Caputo Pizzeria ou mieux encore Cuoco, Petra 5037, ou un mix avec Manitoba.
- Envie de goût ? Joue avec des farines semi-complètes (T80), épeautre, seigle en petites doses.
- Bio ou pas ? Le bio ne garantit pas la force ni le goût. Mais couplé à une mouture sur meule, ça peut tout changer.
La farine, ce n’est pas juste de la poudre blanche à hydrater. C’est un ingrédient vivant, structurant, identitaire. À mes yeux, comprendre sa farine, c’est entrer dans l’intimité de sa pizza. Et quand on commence à la choisir avec exigence, on ne revient plus en arrière.
Alors prends le temps de lire les paquets. De tester. De sentir, de toucher. C’est là que ta pizza commence.